A combien de conseils de classe par trimestre
un professeur est-il tenu d’être présent ?
décembre 2024

Depuis quelques années, le SIES observe une nette augmentation de témoignages faisant état de pressions exercées sur les professeurs par des chefs d’établissement qui tentent de leur imposer d’être présents à la totalité des conseils de classe dont ils ont la charge. Ici, des personnels de direction font systématiquement signer aux membres du conseil de classe une feuille d'émargement afin d’entretenir un malsain climat de surveillance et d’infantilisation des professeurs. Là, des professeurs sont menacés par le chef d’établissement de retenue sur traitement pour « service non fait » en cas d'absence à un conseil de classe. La mise en place des « groupes de niveaux » en collège sert de prétexte à certains chefs d'établissement pour exiger la présence du professeur au conseil de classe alors qu'il n'a en cours que 4 ou 5 élèves issus de cette classe et uniquement dans le cadre du groupe. Certains personnels de direction, probablement désireux d’être à la pointe de l’innovation, proposent aux professeurs d’assister à certains conseils de classe en visioconférence afin qu'ils puissent être présents à tous les conseils de classe, ce qui alourdit la charge de travail et diminue le temps de travail professionnel dont le professeur doit pouvoir librement disposer pour son activité pédagogique, notamment de préparation des cours.

Les professeurs enseignant une discipline dont le volume horaire est relativement important (français, mathématiques, histoire - géographie, langue vivante, EPS) ont généralement un service composé de 4 à 6 classes et assistent généralement chaque trimestre à la totalité ou à la quasi totalité des conseils de classe dont ils ont la charge. En revanche, les professeurs enseignant une discipline dont le volume horaire est relativement faible ont généralement un service composé de 12 à 14 classes (sciences physiques, SVT, technologie) et parfois 18 à 20 classes (éducation musicale, arts plastiques). Exiger de ces professeurs qu’ils soient présents à tous les conseils de classe n’est ni raisonnable, ni réglementaire et ne tient pas compte des contraintes que cela fait peser sur eux.

Il n’est pas rare que le dernier conseil de classe de la journée s’achève aux alentours de 20h00. Pour un professeur qui a débuté ses cours à 8h00, l’amplitude de la journée de travail est alors supérieure à 12 heures, sans compter le temps de trajet matin et soir, ni les préparations de cours et les corrections de copies. Être présent au conseil de classe de toutes les classes figurant dans son service impliquerait qu’un professeur ayant entre 12 et 20 classes en charge subisse ce rythme effréné de travail pendant les deux semaines durant lesquelles sont positionnés les conseils de classe. Cela est épuisant et inacceptable pour l’ensemble des professeurs et s’avère particulièrement problématique et insupportable pour certains.
Les professeurs confrontés à des difficultés de santé ont souvent des rendez-vous médicaux ou des soins après leur journée de cours en fin d’après-midi ou en début de soirée puisqu’ils ne peuvent malheureusement pas prendre de rendez-vous médicaux en journée du fait du casernement des professeurs et de l’emploi du temps « à trous » réparti sur 5 jours que leur a attribué le chef d’établissement. Les professeurs devant assurer des soins à leur enfant, leur conjoint ou à un ascendant malade ou handicapé, ont également des impératifs médicaux et familiaux en fin de journée. Les professeurs ayant de jeunes enfants rencontrent d’inextricables difficultés de garde en soirée. Ces professeurs parviennent à concilier, pour quelques soirées chaque trimestre, les contraintes professionnelles et leur situation médicale, sociale ou familiale, afin d’assister à 5 ou 6 conseils de classe. Or, ils ne sont pas en mesure de le faire durant 15 jours consécutifs pour assister à 12, 15 ou 20 conseils de classe.
Enfin, faut-il rappeler qu’un professeur en service partagé entre plusieurs établissements n’a pas le don d’ubiquité ? Il ne peut pas être présent aux conseils de classe se déroulant simultanément dans deux établissements, ni à un conseil de classe dont l’horaire coïncide avec la fin de ses cours dans un autre établissement.

Parmi les usages en vigueur dans l’Éducation nationale, la présence du professeur à au moins 4 ou 5 conseils de classe par trimestre, indépendamment de la discipline qu’il enseigne, est une pratique et une idée solidement installées depuis des décennies. Une croyance s’est développée au point que certains professeurs sont persuadés qu’il existe un nombre minimal ou maximal de présences aux conseils de classe fixé réglementairement. Cette illusion de droit coutumier est bouleversée par les injonctions autoritaristes et tout autant infondées réglementairement émanant d’un nouveau profil de personnels de direction appliquant des méthodes caricaturales de management néolibéral, voire un comportement de « petit chef ».
Les trois textes de référence permettant de savoir si une réponse réglementaire à cette question existe sont :
- le décret n° 93-55 du 15 janvier 1993 instituant une indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) en faveur des personnels enseignants du second degré ;
- le décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré ;
- la circulaire MENESR - DGRH B1-3 n° 2015-057 du 29 avril 2015 (application des décrets n° 2014-940 et n° 2014-941 du 20 août 2014) publiée au bulletin officiel n° 18 du 30 avril 2015 - Missions et obligations réglementaires de service des enseignants des établissements publics d'enseignement du second degré.

La participation aux conseils de classe fait partie des obligations de service et des missions des professeurs. En revanche, aucun texte réglementaire n’impose au professeur d’être présent chaque trimestre au conseil de classe de la totalité des classes qui lui sont confiées ou des classes dont sont issus des groupes d’élèves dont il a la charge. Aucun texte réglementaire ne précise le nombre de conseils de classe auxquels un professeur doit être présent chaque trimestre.
Il convient également de distinguer « participation du professeur aux conseils de classe » et « présence du professeur à tous les conseils de classe ». La réglementation ne mentionne jamais le mot « présence ».

L’article 2 du décret n° 93-55 du 15 janvier 1993 instituant une indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) en faveur des personnels enseignants du second degré indique que l'attribution de la part fixe de cette indemnité, versée à tous les professeurs, « est liée à l'exercice effectif des fonctions enseignantes y ouvrant droit, en particulier au suivi individuel et à l'évaluation des élèves, comprenant notamment la notation et l'appréciation de leur travail et la participation aux conseils de classe. »
Le chapitre II (Missions liées au service d'enseignement) de la circulaire n° 2015-057 du 29 avril 2015 relative aux missions et obligations réglementaires de service des enseignants des établissements publics d'enseignement du second degré indique : « Dans le cadre général défini par l'article L. 912-1 du code de l'éducation, le décret n° 2014-940 du 20 août 2014 reconnaît l'ensemble des missions liées au service d'enseignement dont elles sont le prolongement. Relèvent ainsi pleinement du service des personnels enseignants régis par ces dispositions, sans faire l'objet d'une rémunération spécifique supplémentaire autre que l'ISOE régie par le décret n° 93-55 du 15 janvier 1993, les travaux de préparation et de recherches nécessaires à la réalisation des heures d'enseignement, l'aide et le suivi du travail personnel des élèves, leur évaluation, le conseil aux élèves dans le choix de leur projet d'orientation en collaboration avec les personnels d'éducation et d'orientation, les relations avec les parents d'élèves, le travail au sein d'équipes pédagogiques constituées d'enseignants ayant en charge les mêmes classes ou groupes d'élèves ou exerçant dans le même champ disciplinaire (II de l'article 2 du décret n° 2014-940). Entre notamment dans ce cadre la participation aux réunions d'équipes pédagogiques, qu'elles prennent ou non la forme d'instances identifiées telles que les conseils d'enseignement (pour les enseignants exerçant dans les mêmes champs disciplinaires) ou les conseils de classe (pour les enseignants ayant en charge les mêmes classes ou groupes d'élèves) ».
Précisons également qu’exercer dans un établissement scolaire ouvrant droit à l’indemnité de sujétions spéciales REP ou REP+ n’implique pas en contrepartie d’être présent chaque trimestre à l’ensemble des conseils de classe dont on a la charge ou d’être présent à davantage de conseils de classe que si on exerçait dans un établissement ne relevant pas de « l’éducation prioritaire ». La pondération de 1,1 appliquée dans les collèges REP+ ne saurait davantage être invoquée comme prétexte pour tenter d’imposer au professeur d’être présent à tous les conseils de classe ou à un nombre plus important que dans d’autres établissements.

La connaissance des textes réglementaires mentionnés à opposer au chef d’établissement, en cas d’exigences exorbitantes et d’autoritarisme de sa part, demeure la meilleure façon de résister.
Le professeur peut certes participer au conseil de classe en étant présent et en exprimant oralement ce qu’il pense de l’ambiance de la classe, du travail réalisé, du comportement et du niveau de chaque élève.
La participation du professeur au conseil de classe n’implique pas qu’il soit présent. La participation du professeur peut tout autant prendre la forme d’un bilan rédigé et transmis en amont du conseil de classe au professeur principal et au président du conseil de classe (le chef d’établissement ou son adjoint) afin qu’il en donne lecture aux autres membres en début de séance à l’occasion du tour de table.
La rédaction de l’appréciation littérale accompagnant la moyenne sur le bulletin scolaire de l’élève est déjà en soit une forme de participation du professeur au conseil de classe, puisque l’appréciation générale et l’éventuelle récompense ou sanction proposées par le professeur principal au chef d’établissement en tiendra compte.
Plus l’appréciation littérale attribuée à chaque élève sur le bulletin est pertinente et détaillée, moins les interventions orales en conseil de classe sont nécessaires, ce qui réduit théoriquement la durée du conseil de classe.

Pour conclure sur une note plus légère et ne pas exclusivement incriminer le comportement de certains personnels de direction, reconnaissons qu’une partie du corps professoral peut également battre sa coulpe lorsque des conseils de classe prennent la forme de séances de psychothérapie de groupe et s’éternisent durant des heures durant lesquelles on brasse de l'air alors que des appréciations littérales explicites et exhaustives ont été portées par les professeurs au bulletin scolaire de chaque élève. Mais cela est une autre histoire...


Jean-Baptiste VERNEUIL - Président du SIES


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